La véritable histoire de la petite robe noire

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi toute femme compte au moins une robe noire dans sa garde-robe ?

 « Noir, c’est noir. »

Véritable pièce emblématique synonyme de sobriété et d’intemporalité, notre petite robe noire nous accompagne dans toutes les situations. Elle représente une valeur sûre, et comme le dirait Karl Lagerfeld :

« On n’est jamais ni trop, ni pas assez habillé avec une petite robe noire. »

Cependant, le noir n’a pas été toujours distingué par sa simplicité et son élégance. Pendant des siècles, elle interprétait l’obscurité de la tristesse et de la mort.

En effet, la Grande guerre de 1914-1918 a fait connaître à la France un traumatisme immense. Le pays tout entier était en deuil et les femmes se devaient de porter de longues robes noires funestes en souvenir de leurs proches disparus. Ce deuil impossible, rajouté à la situation économique déplorable, leur a fait intégrer ce vêtement dans leur culture du quotidien, impactant durablement leurs états d’âmes. Même si de nombreux couturiers tenteront de reproduire la mode d’avant-guerre en proposant des collections avec des teintes joyeuses, les Françaises ne seront pas prêtes à abandonner leur sombre soutane.

« N’y a-t-il plus d’espoir ? »

 Ne vous est-il jamais arrivé de vous sentir dans une impasse ? Comme ces Françaises à l’époque, embourbées dans des pensées qui accroissent un sentiment de vulnérabilité sans pour autant vouloir en sortir ? Croire faussement que quitter le deuil serait trahir les morts, s’interdire la joie pour ne pas prendre le risque de souffrir à nouveau.

Sans avoir la prétention de pouvoir comparer les souffrances causées par notre époque à leurs profondes blessures de l’âme, il m’arrive de me sentir impuissante et découragée face aux informations qui nous bombardent.

Face à la misère, ici et là, qui semble s’accroître de jour en jour, il m’arrive de me sentir victime de mon temps. Une petite voix grandit dans le secret me répétant que je suis coupable, d’une certaine manière et indirectement, des problèmes de notre monde.

Et comme si tout cela ne suffisait pas, la menace d’une pandémie majeure pèse comme une épée de Damoclès sur nos têtes.

La création de Coco Chanel

C’est en 1926, en France et dans une atmosphère d’après-guerre pesante, que Coco Chanel revisite la couleur du deuil en imaginant « La petite robe noire ». Cette grande dame a su rejoindre ses compatriotes dans l’obscurité dans laquelle elles se trouvaient en leur proposant d’y introduire la vie par la force et la « beauté » de nouvelles lignes. Sa création atypique détonne : coupée dans un fourreau de crêpe, col ras du cou, longueur genou, elle fait tout de suite parler d’elle. Par sa sobriété, cette pièce s’opposait à la mode de l’époque enjolivée et colorée, et Coco Chanel le revendique :

« Avant moi, personne n’aurait osé s’habiller en noir [dans le monde de la mode]. »

Le scandale provoqué est alors à la hauteur du succès espéré. Le magazine américain Vogue affiche tout de suite un croquis de la petite robe noire, la rebaptisant la « Ford de Chanel ».

Cette pièce emblématique du vestiaire féminin a été créée dans la rue, et c’est à cet endroit que les françaises l’ont adopté comme étant une pièce essentielle à leur silhouette de tous les jours. Coco Chanel a su voir la beauté autour d’elle (et n’a pas cherché à la trouver ailleurs). Elle a su mettre en valeur la féminité grâce à son regard et son talent, impactant les esprits, les encourageant indirectement à sortir de leur impasse et de leur état d’esprit.

Création, recréation

Coco Chanel a fait le choix d’être dans la Vie et d’aider ces femmes à y entrer. Ce même choix se présente d’une certaine façon à chacun(e) d’entre nous à différents niveaux. Un passage de la Bible (Deutéronome 30:19) nous interpelle dans ce sens :

« J’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta postérité. »

Choisir la Vie, dans chacune de nos pensées, dans chacun de nos défis, dans nos joies et nos peines, choisir de bénir, de faire du bien encore et encore autour de nous avec ce que nous avons entre nos mains.

Comme dans l’histoire de la petite robe noire, nous pouvons créer et recréer avec ce que nous avons. Tout en respectant le deuil, la difficulté de notre présent, il est important d’accepter la vie, d’accepter nos ressources, notre temps et la complexité de notre condition.

L’objectif est de changer notre regard comme Coco Chanel a pu le faire. Elle a décidé de transformer une robe reflétant le deuil en une pièce de mode qui a changé l’histoire de la haute couture. Elle n’était pas en décalage avec son époque. Au lieu de voir la détresse, elle a imaginé le besoin ; au lieu d’écouter cette petite voix défaitiste, elle a choisi la vie, la créativité et la beauté.

Nous sommes tous et tous les jours appelés à choisir entre écouter notre petite voix qui se compare aux autres ou bien donner ce que nous avons reçu de la Vie.

Nous avons parfois des ressources là où ne nous les soupçonnons pas, des ressources dans notre histoire, dans nos émotions et dans nos blessures. Notre regard a bien souvent besoin d’être changé.

Coco Chanel a vu des femmes belles et a voulu leur prouver qu’elles l’étaient. Sa démarche était d’aller vers le beau en soi et de mettre en valeur les personnes qui l’entouraient.

Toujours encore, la petite robe noire incarne, en son nom seul et dans son intégralité, la mode et l’élégance. Elle nous appartient à tous. Par son histoire, elle nous prouve que nous pouvons tous nous métamorphoser en couturière dans l’âme. Nous pouvons choisir de revoir les lignes, de redonner de la légèreté, d’ajuster les finitions et de reprendre le pouvoir de nos pensées.

Rédacteur

Joëline Studer

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