Barack Obama, le Vatican et les extra-terrestres

« Il est vrai, et je suis sérieux, qu’il y a des vidéos et autres documents à propos d’objets dans le ciel. On ne sait pas exactement ce qu’ils sont. On ne peut expliquer comment ils se déplacent, leur trajectoire… »

C’est ce que l’ancien président américain, Barack Obama, affirma à la télévision américaine à une heure de grande écoute dans la foulée des récentes révélations officielles à propos d’objets volants non identifiés (OVNI, ou UAP en anglais : Unidentified Aerial Phenomena).


Voir aussi : Ovnis : nouvelles révélations, entre scepticisme et envie d’y croire

Auparavant sujet réservé à quelques passionnés, souvent traités avec ridicule lorsqu’ils se prenaient un peu trop au sérieux, le phénomène des ovnis est en train de passer de l’imaginaire de la science-fiction à celui de l’actualité. C’est ce qu’on appelle en anglais le mainstreaming.

Ce changement d’attitude est en grande partie dû au fait que le gouvernement américain a commencé à rendre certaines vidéos publiques, et à permettre à des officiers militaires de témoigner à propos de ces phénomènes.

La porte s’est ouverte en 2017, avec la publication de deux vidéos révélant la rencontre entre des pilotes de chasse de la Marine américaine et des objets semblant défier les lois de la physique. Mais aujourd’hui, c’est le barrage qui risque de céder avec la divulgation publique par le Pentagone depuis juin 2021 de ce que l’armée américaine connaît à ce jour à propos du phénomène des ovnis.

Ce « relâchement » à propos du secret entourant les ovnis semble déjà avoir transformé le rapport des autorités au phénomène. En effet, avant même le grand déballage — chose inédite — le Pentagone a préventivement certifié l’authenticité dans les dernières semaines différentes vidéos et photos de ces objets.

Ainsi, nous pouvons dire que nous avons aujourd’hui différents événements documentés, soutenus par le témoignage de personnel militaire d’élite, et confirmé par des personnalités politiques crédibles.

Et puis après ?

Certains voient dans ces phénomènes l’existence de technologies avancées, mais humaines. Des drones ou des appareils de brouillage visuel développés par des puissances militaires rivales. Ceux qui font objection à cette perspective affirment que, vu la capacité technique de ces appareils qui peuvent se déplacer à des vitesses supersoniques sans rompre le mur du son, et pour subir des accélérations inhumaines de 700 G, il faudrait des siècles, voire des millénaires de développement technologique pour arriver à produire de tels appareils.

D’autres voient ici plutôt « quelque chose venu d’ailleurs ». La preuve tangible que nous ne sommes pas la seule espèce intelligente dans une galaxie composée de milliards d’étoiles. Toutefois, dans les faits, on est encore loin des « petits bonshommes verts »…

D’autres encore, comme le scientifique franco-américain Jacques Vallée, qui étudie le phénomène depuis les années 1960, croient que ces « objets » ne sont peut-être pas des objets, mais des sortes de « portes » vers d’autres dimensions. Un phénomène à la fois physique et spirituel. C’est la piste fascinante qu’a suivie la sociologue des religions Diana Pasulka, dans son récent livre American Cosmic1.

Étudiant les phénomènes de croyance dans les ovnis sous l’angle de l’étude des religions, elle démontre dans son livre les parallèles entre les grandes religions, dont le christianisme, et la fascination américaine pour les ovnis. Elle trouve ainsi dans la tradition chrétienne et « ufologique » des parallèles intéressants : témoignages de rencontre avec des êtres célestes, guérisons miraculeuses, téléportation, etc.

C’est peut-être en partie pour cette raison que l’Astronome officiel du Vatican (eh oui, le Vatican a non seulement son Astronome, mais encore tout un observatoire !) n’anticipe pas, comme plusieurs le croient, que la révélation de l’existence d’extraterrestres causerait un effondrement de systèmes religieux comme le christianisme.

En effet, le christianisme reconnaît déjà l’existence d’une sphère « consciente », « spirituelle », « céleste » distincte de la nôtre, qui transcende et rencontre l’expérience humaine.

La Bible traite de la visite d’entités spirituelles et de rencontres qui ressemblent parfois étrangement à des témoignages récents de gens qui disent avoir été « contactés » par ces phénomènes étranges.

La preuve de l’existence de telles entités saurait donc être intégrée à une conception du monde déjà prête à les recevoir.

D’une importance peut-être encore plus grande, le phénomène des ovnis révèle notre capacité très humaine à ignorer ce qui ne concorde pas avec notre vision du monde. C’est une approche heuristique quand même assez pratique. Pour la plupart du monde, la révélation soudaine que nous ne sommes pas seuls dans le cosmos ne changerait rien au fait qu’il y a une dissertation à remettre, des crédits à rembourser, des enfants à nourrir, etc. C’est là le pouvoir du quotidien à nous enfermer sur notre propre expérience, et par la même occasion, de nous rendre aveugles à une expérience du monde qui peut être à la fois plus inconfortable et plus enrichissante.

Le matérialisme philosophique, c’est-à-dire l’idée selon laquelle ce qui existe n’est fait que de matière et d’énergie, excluant toute métaphysique, a apporté en occident une certaine forme de “confort” existentiel en proposant un univers réglé comme une machine, prévisible et prédéterminé. Un monde sans Dieu, sans anges ni démons, même s’il sacrifie certaines formes de réconfort tels que l’espoir d’une vie après la mort, ou un ordre cosmique créé par une entité bienveillante, est un monde réconfortant dans sa simplicité.

Mais est-ce qu’une telle conception du monde est vraie ?

C’est la question que se posent ceux dont la conception du monde est chambardée par ces intrusions. Expérience “surnaturelle” ou “spirituelle”, ces rencontres nous changent qu’on le veuille ou non. Que ce soit l’exemple de l’apôtre Paul sur le chemin de Damas dont la vision du Christ ressuscité le força à réévaluer en profondeur sa vision du monde, ou celle de l’Amérique pré-colombienne et le reste du monde, ces rencontres nous transforment, qu’on le veuille ou non.

1 Diana Walsh Pasulka, American Cosmic: UFOs, Religion, Technology, OUP USA, 2019.

Jean-Christophe Jasmin

Rédacteur

Jean-Christophe Jasmin

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