Comment dépasser notre impuissance face à la crise écologique ? Une lecture de Camille Étienne
Vous vous sentez désespérés face à la crise écologique en cours ? Démoralisés en voyant l’effondrement du vivant et à l’inaction des décideurs ? Ce livre vous donnera sûrement des raisons d’agir.
Camille Étienne a 25 ans. Après une enfance passée dans les Alpes savoyardes, elle est aujourd’hui militante écologiste. Elle s’est fait connaître sur Youtube en interpellant sur la crise écologique en cours. Pour un soulèvement écologique est son premier livre [1].
Un appel à l’action
Plutôt qu’un livre présomptueux et moralisateur qui ferait la leçon aux jeunes et aux vieux, Camille Etienne expose une réflexion subtile, qui tente de renouveler notre regard sur la crise écologique et qui y pointe notre responsabilité afin de nous pousser à l’action. Sa thèse pourrait être résumée par « La peur ne crée pas de l’inaction, elle est au contraire à l’origine du soulèvement [2]. »
Camille Étienne souhaite dépasser notre sentiment d’impuissance en changeant la perception de la peur, la transformant en un levier d’action.
Face à la réalité d’une crise
Les limites planétaires sont un concept proposé par un groupe de chercheurs [3] en 2009 afin de percevoir les seuils après lesquels les conditions de vie sur terre ne seront plus possibles. Voici ces limites :
- Le changement climatique (mesuré par la concentration du CO2 dans l’atmosphère)
- L’intégrité de la biodiversité (mesurée par le taux d’extinction des espèces)
- La perturbation des cycles de l’azote et du phosphore, affectant la qualité des sols et de l’eau (mesuré par le taux d’azote et de phosphore dans l’océan notamment)
- L’occupation des sols (mesuré par la part de forêt dans les terres émergées)
- La pollution de l’environnement par diverses entités (métaux lourds, radioactivité, etc.)
- L’utilisation de l’eau douce
Camille Étienne rappelle la réalité de la crise écologique dans un exposé aussi bref que glaçant : ces six limites planétaires sont déjà dépassées.
Deux limites ne sont pas franchies :
- La diminution de la couche d’ozone
- L’acidification des océans
Et enfin, une limite n’a pas encore été mesurée :
- La concentration des aérosols atmosphériques
Au-delà du constat scientifique, cette crise nous affecte physiquement : corps pollués ou malades, meurtris par la chaleur, jusqu’à une survie impossible dans plusieurs zones du monde. Voir la vérité en face est selon elle une première étape dans le soulèvement, s’il est vécu comme un deuil sain c’est-à-dire menant à la reconstruction.
Lire aussi : Comment vivre dans un monde qui s’effondre ?
Changer de paradigme : quitter le confort de la fatalité
C’est à partir de ce constat que Camille Étienne propose de changer de paradigme pour l’envisager dans toute sa complexité : finie la réduction simpliste de nos actions à l’impact carbone, finis les récits catastrophistes qui offrent le confort de la fatalité ! Au contraire d’une lutte globale, l’accent est mis sur la particularité de chaque action, qui trouve son paroxysme dans la question de Sea Shepherd :
« Serais-tu prêt.e à mourir pour une baleine [4] ? »
Valoriser chaque action personnelle n’enlève pas les responsabilités collective, publique ou privée, que Camille Étienne entend dénoncer, sans caricature. Avec justesse, elle oppose les coups d’éclat polémiques de certains activistes à ceux et celles qui détruisent véritablement le vivant : que ce soit activement, par leur activité (les entreprises) ou passivement, par leur inaction (les États et gouvernements). De la même manière, elle rappelle la responsabilité de chacun dans la mesure de ses capacités financières et sociales. Cette subtilité permanente rejoint l’équilibre nécessaire entre action et introspection, urgence et long-terme, constat global et lutte locale.
Suivre un principe de justice
La motivation à suivre le mince chemin d’espoir auquel Camille Étienne nous invite se trouve davantage dans le principe de justice que dans celui de l’impact. Partant de là, tout soulèvement peut commencer par une sensibilité accrue au vivant et un refus de l’omniprésence de la technique dans notre quotidien qui ne peut s’accomplir que par une forme de décroissance.
La militante ne propose pas une liste d’actions possibles, mais laisse le champ libre à chacun de trouver ce qui lui semble juste : modifier son mode de vie, s’informer, manifester contre des scandales écologiques, etc.
Lire ce livre en tant que chrétien me pousse dans mes retranchements car j’y retrouve des impératifs fermes du Christ et des apôtres après lui : avoir soif de justice, renouveler notre intelligence, ou encore chercher la liberté [5] par l’auto-limitation face à une gourmandise du matériel et du vécu.
Je me dis parfois que Dieu, n’ayant pas trouvé assez de prophètes dans un monde en crise, nous rappelle à l’ordre avec patience par ce genre de livres !
Sans transformer la puissance de l’Évangile en un combat purement immanent et matériel, ce livre peut permettre aux chrétiens de mettre leur foi en action, et à tout un chacun de se préparer à l’action. Nous sommes poussés par cette urgence que Camille Étienne rappelle et qu’il nous faut peut-être mieux connaître et approfondir, vu l’ampleur de la crise.
Que celui qui vit l’anxiété écologique puisse peut-être songer à cette espérance chrétienne. Elle ne s’assène pas, mais elle se vit concrètement. C’est une espérance qui est capable d’apporter une réponse à nos peurs profondes.
Article écrit par Édouard Vandeventer membre de A Rocha
Si vous êtes curieux du lien entre Bible et écologie, vous pouvez vous rendre sur le site Questions de foi et d’écologie.
[1] Livre paru le 19/05/2023 au Seuil et présenté ici. [2] p. 69 [3] Il s’agit d’une équipe internationale de 26 chercheurs, menée par Johan Rockström du Stockholm Resilience Centre. Plus de détails là. [4] p. 68 [5] Évangile selon Matthieu chapitre 5 verset 6, Lettre de Paul aux Romains, chapitre 12 verset 2, Lettre de Paul aux Galates, chapitre 5 verset 1Autres articles
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