Pas étonnant que cette question se retrouve sur les lèvres et les pages des réseaux sociaux de milliers de personnes de par le monde : « Est-ce que c’est ça, la fin du monde ? »

Faut-il espérer ou désespérer pour l’avenir ?

Une épidémie à l’échelle planétaire, des malades et des morts à n’en plus compter, des statistiques qui ont fonction d’épouvante, des dizaines de millions de pertes d’emploi, des centaines de milliards de pertes financières, des mesures politiques jamais vues auparavant, un risque d’effondrement économique mondial, mais aussi la montée de la haine, de l’autoritarisme, de l’angoisse, de l’égoïsme, de l’anxiété… 2020 ressemble à un bien mauvais film de science-fiction ! Et pourtant, ce qui ressemble à la liste idéale d’ingrédients d’un film de série B se déroule actuellement sous nos yeux, et c’est bien réel. À mesure que plus de 3,5 milliards de personnes se retrouvent confinées, ce virus ravageur laisse les villes et villages de par le monde déserts, désaffectés même. Pas étonnant alors que cette question se retrouve sur les lèvres et les pages des réseaux sociaux de milliers de personnes de par le monde :
« Est-ce que c’est ça, la fin du monde ? »

La fin est (toujours) proche

La question a d’ailleurs suffisamment hanté l’humanité pour qu’on en fasse une science. En théologie, on appelle « eschatologie » l’étude de ce qui est lié à la question des choses de la fin (du grec eschaton, qui signifie « dernier »). À y regarder de plus près, il se trouve que les pseudo-prophéties eschatologiques sont légion et ce, à travers toutes les cultures, disciplines et visions du monde. On se souviendra sûrement de la peur frénétique du passage à l’an 2000 que nos outils numériques ne semblaient pas permettre dans leur système de codage. Ou de la panique suscitée par la rupture brusque du calendrier maya au 21 décembre 2012. Selon l’historien des sciences Luc Mary, cette date fatidique n’aurait été que la 183e fin du monde potentielle depuis la chute de l’Empire romain ! Et on peut imaginer que cette liste n’est pas exhaustive…

Une croyance absurde, pour les bigots crédules ?

La question de la fin du monde est bien loin d’être l’apanage des religieux ou des anxieux. Au contraire, l’eschatologie est le sujet de nombreux discours philosophiques, sociologiques, artistiques ou encore scientifiques. En février 2020 – une époque qui nous paraît déjà si loin… – le média de vulgarisation Futura Sciences présentait un article intitulé « Apocalypse : huit scénarios possibles de fin du monde », en listant notamment l’éventualité d’une superéruption volcanique, l’explosion d’une météorite géante ou les dégâts désastreux provoqués par le dérèglement climatique. Une « épidémie incontrôlable » apparaît également parmi les scénarios possibles, en réalité le plus probable et ô combien imminent.
La communauté scientifique semble aujourd’hui unanime : l’univers n’est pas éternel. Il aura vraisemblablement une fin.
La planète Terre sera un jour irrémédiablement brûlée par une trop grande proximité avec le soleil. Et même si ce scénario catastrophe pourrait se produire dans plusieurs milliards d’années, la fin de l’humanité, elle, semble être une réalité bien plus proche dans le temps. Mais ce que les scientifiques acceptent aujourd’hui reflète bien une réalité inscrite dans la Bible depuis des millénaires.

Lorsque la Bible nourrit l’imaginaire populaire

Si les différents scénarios de « fin du monde » évoquent la possibilité qu’un accident incontrôlable puisse mettre fin à notre civilisation, ce qui distingue la conception biblique est que cette fin n’est pas un accident, mais le résultat du jugement de Dieu sur l’humanité déchue. Cette idée apparaît très tôt dans les tous premiers chapitres de la Bible, dans un des récits les plus connus : celui de Noé et de son arche. Dans ce récit, Dieu, constatant le mal et la violence qui caractérisent l’humanité, se repent de l’avoir créée et décide d’exterminer tout être vivant de la surface de la Terre. Tous, sauf un qui trouva grâce à ses yeux et auquel il ordonnera de bâtir un grand bateau, une « arche » à travers laquelle la terre sera repeuplée. Noé, premier « survivaliste » de l’histoire, se met donc à l’œuvre et, lorsque le jugement vient sous la forme d’un déluge qui engloutit toute la terre, celui-ci est justifié devant ceux qui avaient ignoré ses avertissements. Grand « reboot », après plusieurs jours à dériver sur un nouvel océan en confinement dans son bateau, Noé s’échoue avec son arche au sommet d’une haute montagne à mesure que les eaux se retirent. C’est sur cette montagne que Dieu et Noé, représentant du genre humain, font une nouvelle alliance où Dieu promet qu’il ne détruira plus la terre de cette façon. Le signe de cette alliance sera l’arc-en-ciel, qui « rappellera » à Dieu et aux hommes l’issue de ce « jugement premier ».

« Le virus, c’est nous », ou la Terre en guerre contre l’humanité

Cette idée que la  « fin »  n’est pas simplement une fin, mais le résultat de l’action d’un agent qui vient ramener un certain ordre dans un monde désordonné, trouve sa source dans la conception biblique de la fin des temps. Un exemple évocateur est le mème “we are the virus” qui circule depuis la mi-mars.
« Wow! La terre guérit. – La pollution atmosphérique ralentit. – La pollution de l’eau disparait. – La vie sauvage revient chez elle.  Le coronavirus est le vaccin de la Terre. Le virus, c’est nous. »

Je vais leur faire payer !

Ce mème a été relayé en donnant en exemple des images évoquant le « rétablissement de l’ordre naturel » dans des endroits jusque-là souillés par l’homme : des sangliers se promenant à Paris, les canaux de Venise limpides remplis de poissons. Comme tout bon mème, il fallut peu de temps pour que ces exemples soient remplacés par des montages loufoques montrant des dinosaures investir les grandes villes du monde.
Néanmoins, on revoit ici apparaître les mêmes « motifs » qu’on trouve dans la notion biblique du jugement : ici, la nature, ou la Terre, remplace Dieu comme agent derrière la catastrophe, et pose un jugement sur l’échec moral de l’humanité (la pollution).
Jugement qui résulte dans un rétablissement de l’ordre naturel antérieur. D’ailleurs, notre mot « crise » vient du grec krisis, signifiant « jugement, distinction, décision, verdict ». Cet exemple illustre comment notre imaginaire populaire occidental a déjà intégré une conception biblique du jugement, de sa fonction, et de son résultat. L’adoption presque universelle de l’Arc-en-ciel comme signe nous rappelant que « tout va s’arranger » renforce d’ailleurs cette notion d’inconscient chrétien civilisationnel.

Au bout du tunnel : lumière ou précipice ?

Il faut croire, alors, que malgré les recoupements entre notre culture populaire et le récit biblique qui l’a inspirée sur la question de la fin du monde, la Bible détonne et étonne.
Au fond, deux eschatologies, deux grands discours scientifiques et philosophiques, s’opposent en essayant de répondre à la question : « Vers où vont notre société et notre monde ? »
Le premier, le grand récit du progrès total, est né en même temps que le Siècle des Lumières et la Révolution industrielle aux 18e et 19e siècles. Ce récit nous dit que les circonstances matérielles, économiques et morales du monde ont vocation à aller de mieux en mieux à l’aide de la raison, de la science et de la bienfaisance des êtres humains. Les progrès industriels amèneront le confort et la facilité à tous. Le deuxième discours, qui s’élève depuis quelques décennies, prédit un avenir malheureux à l’humanité mais aussi au reste de la création. La cause première et essentielle est précisément ce qui donne tant d’espérance aux progressistes : le monde humain va accélérer son développement industriel à l’échelle de la planète, avec sur celle-ci des conséquences cataclysmiques, à savoir l’effondrement, dont l’étude (collapsologie) a inspiré de nombreuses voix qui clament à la destruction ultime et à la fin de l’être humain. Certains progressistes et collapsologues s’écharpent à coups de conférences et d’activisme pour démontrer que l’autre a faux. Tout ça ne nous rend pas les choses si faciles ! Dans cette tension entre les deux grandes eschatologies, le récit biblique, qui offre une autre voix, une troisième voie, nous aide sans doute à être plus lucide.

La fin du monde versus la fin d’un monde

L’expression biblique pour « fin du monde » apparaît dans la bouche de Jésus. S’adressant à ses disciples (ses apprentis) assemblés devant lui lors de son tout dernier discours, il annonce pour conclure :
« Sachez-le : je suis avec vous, jusqu’à la fin du monde. » (La Bible, Évangile selon Matthieu, 18:20).
Ce mot « monde » traduit le grec aiôn, qui signifie « temps, époque, ère, âge » et donc « monde » au sens d’ordre des choses, ordre du monde, ou, dans un langage tiré des sciences politiques, de système-monde. Jésus utilise ainsi un langage qui s’aligne sur l’idée qu’il y a de grandes époques, de grandes ères, et que ces époques s’amènent vers une fin, la fin d’un ordre du monde : la fin d’un monde. Dans l’un de ses discours connus sur cette thématique, Jésus raconte une parabole agricole (à lire dans l’Évangile selon Matthieu, 13:24-30). Dans cette histoire imagée, il parle d’un agriculteur qui sème des grains de blé dans son champ, tandis qu’un ennemi qui lui veut du mal vient semer du mauvais grain, de l’ivraie. L’ivraie est une plante qui ressemble très fort au blé, sauf que c’est une mauvaise herbe et qu’elle risque de ruiner la récolte en bout de chemin ! Les ouvriers agricoles vont alerter le propriétaire de la catastrophe.

Que faire ? 

Arracher la mauvaise herbe, au prix d’arracher le bon grain en même temps ? Ou ne rien faire du tout, au risque que toute la récolte – et tous les efforts entrepris – soient réduits à rien ? Ni l’un, ni l’autre ! Jésus, qui explique plus loin le sens de cette parabole, assimile le bon grain à « ceux qui appartiennent au Royaume », ceux et celles qui appartiennent à un ordre des choses où les êtres humains vivent selon leur vocation première, réconciliés à un Dieu d’amour et de justice. Ces agents du bien évoluent en même temps que ceux qui «  appartiennent au Mauvais », qui œuvre au mal et à l’injustice, en d’autres termes tout ce qui résulte des forces négatives et destructrices dans ce monde.
Jésus nous amène à voir qu’il ne faut donc ni croire que tout est ruiné pour l’avenir, ni non plus penser que l’avenir va vers une pure amélioration.
Le bien et le mal cohabiteront jusqu’au temps où les deux porteront leurs fruits jusqu’au bout, comme le blé et l’ivraie se distinguent l’un de l’autre lorsqu’ils sont à maturité.

Alors, est-ce que c’est la fin du monde ?

Jésus, lui, s’identifie à celui qui sème le bon grain dans son champ. Son champ, c’est le monde dit-il, ici exprimé avec un autre mot grec, kosmos (Matthieu, 18:38). Jésus annonce ainsi qu’il est l’incarnation de Celui qui génère dans le monde non pas simplement du Bien au sens abstrait, mais un nouvel ordre des choses, fait de restauration, de sens, d’actions pour le bien, de relations guéries, et de bien-être total.
Loin des mauvaises herbes, des crises, des cris et des ténèbres, Jésus annonce qu’il sème un monde nouveau dans notre cosmos ! Intriguant, n’est-ce pas ?

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