Histoire de la Mode : 30 années qui ont humilié le vêtement. Fashion!

Dans cette série d’articles sur l’histoire de la mode, nous voulons revenir sur les trente dernières années pour comprendre comment aujourd’hui, dans une efflorescence sans limite de la mode qui constitue désormais l’univers vestimentaire, le vêtement est dévalué, impuissant et humilié.

Ce premier article va survoler trois périodes, Golden Eighties, Antifashion, et Go global. Nous verrons ensuite comment le vêtement s’est retrouvé captif de cette histoire récente de la mode. Grâce une pensée informée par la Bible et le récit qui s’y trouve, nous réfléchirons à une autre histoire possible. Pour finir, nous proposerons quelques pistes d’applications que cette réflexion nous permet d’avoir.

 

Golden Eighties, Antifashion, Go global : retour sur 30 années de mode avec Fashion! histoire mode

C’est la série documentaire Fashion! [1] réalisée par Olivier Nicklaus qui va nous servir de guide pour revenir sur trente années de mode entre années 1980 et années 2010. Elle a été sélectionnée dans plusieurs festivals en France comme à l’étranger. Il poursuit avec d’autres documentaires Je poste donc je suis, la mode 2.0 (2013), Pop modèles (2014) et « Apocalypse Mode », Les dessous chocs (2021).

L’objectif de la série est le suivant : « Fashion! noue des destins et des carrières pour tisser le portrait d’une époque et proposer une lecture plurielle et subjective de ces trente années de mode. » Ainsi tous les créateurs de mode ne figurent pas dans la série et Olivier Nicklaus parle ainsi de ses choix pour les Golden Eighties : « J’avais envie de suivre les destins croisés de quelques créateurs. Certains sont restés dans la lumière, comme Jean-Paul Gaultier, d’autres ont été balayés, comme Claude Montana. L’aspect romanesque de ces trajectoires m’intéressait. »

Golden Eighties histoire mode

Cette décennie succède aux années 1970 où la mode résonne avec la Haute-Couture. Elle va être la décennie du « tout est possible » où la mode ne va connaître aucun frein, qu’il soit esthétique ou commercial. Elle rime avec insouciance, liberté, succès, fraîcheur, hédonisme. Pour la femme, c’est le temps « de la féminité exacerbée à coup de couleurs pop. »

Les défilés de cette époque sont alors de véritables messes médiatiques qui se tiennent au Carrousel du Louvre et la figure du créateur y est quasiment divine. Ceux-ci dessinent une tendance qui est celle du « total look ». C’est aussi à ce moment que les créateurs deviennent des business men capables d’assurer plus que la création de vêtements.

Années 90 et Antifashion

Surviennent les années 1990 et le SIDA qui viennent marquer la fin de l’hédonisme. Survient aussi un nouveau mouvement stylistique, beaucoup plus minimaliste, venu du Japon et de Belgique. La mode apparaît alors sous une double face.

L’un de ses visages est celui d’une mode « dorée sur tranche » avec un style « totalement décomplexé qui contaminera la planète au-delà de l’axe Milan-Miami. » L’autre visage est celui d’un contre-style, celui de « la mode qui se met au diapason de l’époque : sombre désespérée, parfois violente. » C’est une mode beaucoup plus concernée, plus conceptuelle aussi, sous l’influence de la crise économique, de la catastrophe de Tchernobyl, du mouvement grunge ou de la musique techno. C’est ce contre-style qui va porter le nom d’Antifashion.

Les années 1980 se sont caractérisées par le port d’un vêtement vers lequel on allait comme pour se déguiser dans le but de bluffer l’autre. Les années 1990 se caractérisent par une recherche du vêtement dans le but d’exprimer quelque chose. Le vêtement est porté afin de permettre d’être bien avec soi-même.

Les années 2000 et l’ère du Go global

Les années 2000 vont être celles où la mode change d’échelle et d’acteurs. Elle passe à l’échelle « monde » et les acteurs du métier sont les grands groupes. Cette mutation ne s’est pas produite d’une manière spontanée. Elle commence dans les années 80 mais elle va s’accélérer dans les années 2000.

Bernard Arnault est celui que nous pouvons mettre à la racine de ce changement. Après avoir fait fortune dans l’immobilier, il discerne le premier le potentiel commercial du « luxe à la française ». Il décide alors de bâtir ex nihilo un groupe, « la machine de guerre LVMH » [2], qui naît au début des années 90.

Cette naissance marque aussi un changement de modèle. Il s’agit désormais de proposer une couture « forte, opératique, émotionnelle » qui doit donner envie d’acheter les produits dérivés. Il ne faut plus désormais vendre uniquement des vêtements, mais il faut vendre aussi des parfums, des sacs, des rouges à lèvres, … en fait tout produit dérivé susceptible d’être frappé d’un logo d’une maison de haute couture, ou d’une marque est-il mieux de dire à présent.

Au cours des années 2000, c’est le système économique du prêt-à-porter qui s’installe.

Coup de tonnerre en 1999, un autre homme fortuné entre dans l’arène, François Pinault. Après une grande campagne d’acquisition et d’embauche de jeunes talents, son groupe PPR [3] est dès 2001, de l’avis des spécialistes, « un groupe de luxe qui fait le poids face à LVMH. »

Nous sommes au tournant du millénaire et ces deux grands groupes vont pouvoir se livrer bataille en termes de marques, de créateurs, mais aussi de nouveaux territoires comme la Russie ou la Chine.

Le monde est devenu le terrain d’un affrontement commercial. Go global. 

Mais c’est encore sans compter sans l’intervention des « superpuissances du mass-market », les promoteurs de la fast fashion, qui vont aussi venir prendre leur place : Zara, H&M et Uniqlo.

Le temps est venu pour « un emballement de l’appétit planétaire pour la mode. »

 

Lire l’article : Histoire de la Mode : 30 années qui ont humilié le vêtement. Le vêtement prisonnier

Lire l’article : Histoire de la Mode : 30 années qui ont humilié le vêtement. Soumission, déportation… et retour ?

Lire l’article : Histoire de la Mode : 30 années qui ont humilié le vêtement. Le retour : attitude intérieure et silhouette ?

 

Notes

[1] Nicklaus Olivier, Fashion!, LALALA Productions Arte France INA, 2012

[2] Louis Vuitton – Moët-Hennessy

[3] Pinault-Printemps-Redoute, aujourd’hui Kering

Olivier-Barrucand

Rédacteur

Olivier Barrucand

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