Homme ? Femme ? Autre ? Réflexions sur le genre (1/3)
Homme ? Femme ? Autre ?
L’identité sexuée est une thématique d’actualité qui fait couler beaucoup d’encre. La plupart du temps focalisés sur des débats théoriques, quand nous ne cherchons pas à faire prévaloir nos positions sur les questions liées au genre, nous avons souvent oublié que c’est du vécu de personnes bien réelles dont nous parlons. Nos discours sont si souvent éloignés des réalités individuelles ! Et s’il existait une autre voie au cœur de l’expérience individuelle ?
Diplômée de sociologie, la rédactrice de la série Qui suis-je ? livre ici son analyse des questions liées au genre.
Un cri de désespoir
Il y a certains moments dans la vie qui nous marquent et qui restent gravés à l’encre indélébile dans nos mémoires. Je me souviens de l’un d’eux en particulier. J’avais assisté, à l’université, à une conférence sur le genre. La présentation terminée, public et intervenants se livraient à un débat sur les théories liées au genre et leurs évolutions. Les discussions allaient bon train, quant au détour d’une remarque faite par un intervenant, un étudiant se leva pour intervenir. Il exprima son désaccord et fit part de sa propre expérience. Il décrivit ce qu’il vivait au quotidien et ce qu’il ressentait.
Il souffrait de dysphorie de genre.
Derrière la virulence du ton qu’il avait utilisé pour s’exprimer, l’on pouvait sentir tout son mal être et tout son désespoir. Après son intervention, dans mes souvenirs, il y eu un moment de silence. Ce moment de silence n’a peut-être été vécu que par moi cela dit. Le fossé entre ces théories, mes convictions et ce vécu relaté était si grand ! Le récit de cet étudiant avait ébranlé mes certitudes sur le genre. Mes positions n’étaient-elles que préjugés ? M’étais-je positionnée sur ces questions-là sans même les comprendre ? Avais-je déjà réellement réfléchi au genre et éprouvé mes croyances liées à lui ? Avais-je seulement pris la peine une seule fois de me poser les bonnes questions sur le genre ?
Qu’en est-il de vous ? Quelles sont vos pensées et positions sur la question ?
Je venais pour la première fois d’entendre un concerné exprimer sans tabou le vécu intime de son identité sexuée dans toute son authenticité, sa fragilité et sa souffrance. Bien plus que cette présentation académique sur le genre, cet étudiant venait d’ouvrir devant moi la porte d’un monde que je ne connaissais pas.
Le conseil avisé de ce verset de la Bible : « que chacun soit prompt à écouter et lent à parler » [1] venait à nouveau de prendre tout son sens pour moi.
Aussi, je vous invite à découvrir un outil de compréhension de l’identité sexuée qui a été conçu à partir du vécu des individus.
Genderbread person : Zoom sur les composantes de l’identité sexuée
Les travaux en sociologie sur le genre que j’ai étudiés ont fini par me convaincre d’une chose. Afin de bien comprendre l’identité sexuée, ainsi que les visions et les positions différentes qui existent sur elle : il est nécessaire de la décomposer.
Autrement dit, si nous ne réfléchissons pas à l’identité sexuée comme la juxtaposition de plusieurs éléments liés entre eux, mais pas pour autant dépendants les uns des autres ; il nous sera bien difficile de comprendre les différentes visions qui existent et surtout les réalités vécues. Pour expliciter donc l’identité sexuée, j’ai choisi de vous présenter le Genderbread person [2]. En effet, selon moi, il résume assez bien et simplement les différents éléments constitutifs de l’identité sexuée.
Souvent utilisés à tort et à travers, le sexe et le genre désignent deux réalités pourtant très différentes.
Le « sexe » fait référence aux spécificités anatomiques (chromosomes, organes sexuels internes et externes, hormones, pilosité, etc.), c’est-à-dire au sexe biologique d’un individu en fonction duquel on le désigne mâle ou femelle. Il s’agit des caractéristiques sexuelles présentes à la naissance et qui se développent durant la croissance. Le sexe fait donc référence à un ensemble de caractéristiques génétiques, physiques et physiologiques qui sont usuellement catégorisées binairement : femme/homme. Cependant, il existe des personnes intersexes c’est-à-dire des personnes possédant des caractères sexuels à la fois masculins et féminins.
En bref, le sexe renvoie à la composante anatomique présente à la naissance.
Le « genre » ou « identité de genre » fait référence au sentiment, à la perception intime qu’un individu a d’être un homme, une femme, tout à la fois, ou aucun des deux. Il s’agit de la manière dont un individu se définit. Généralement, l’identité de genre correspond au sexe attribué à la naissance (ex : un individu né homme et qui se sent et se définit comme homme). Cependant, pour certains, ces deux éléments sont opposés (ex : un individu né femme et qui se sent et se définit comme homme), voire combinés (homme et femme à la fois, au même degré ou à des degrés différents)… En fait, il existe une diversité de perceptions de genre.
En bref, l’identité de genre renvoie à la manière dont on se sent et se définit soi-même.
Puis, nous avons l’« expression du genre ». Il s’agit de la manière dont un individu va manifester son appartenance de genre (par ses actions, attitudes, vêtements…), et de la façon dont ces éléments sont interprétés par les autres sur la base des normes de la société dans laquelle il vit. Il s’agit de ce que l’on affiche. Cette expression n’est pas forcément celle de l’identité de genre. Une personne ayant les caractéristiques physiques masculines, mais se sentant au fond de lui et se définissant comme femme, peut pourtant ne pas se vêtir, se comporter, etc. tel que la société l’attend d’une femme.
En bref, l’expression du genre renvoie à la manière dont on se présente au monde extérieur.
Pour finir, nous avons l’« attirance» ou l’« orientation sexuelle ». Il est ici question de l’attirance qu’une personne éprouve envers une autre, sur le plan romantique et/ou sexuel. Sur ce point, usuellement on parle des hétérosexuels et des homosexuels, cependant il existe bien plus d’orientations sexuelles. On parle d’asexualité, de bisexualité, de pansexualité, etc.
A noter que l’identité de genre et l’orientation sexuelle sont deux facettes bien distinctes de l’identité sexuée. Par exemple, une personne transgenre n’est pas nécessairement hétérosexuelle ; elle peut être aussi bisexuelle, asexuelle, homosexuelle, etc.
En bref, l’orientation sexuelle renvoie à l’attirance qu’une personne éprouve envers une autre.
De l’outil au vécu
Je disais précédemment qu’il est pour moi nécessaire de penser l’identité sexuée comme une identité composée des différents éléments présentés ci-dessus, car c’est alors que nous pouvons vraiment nous engager dans une compréhension du vécu des individus.
Prenons le cas de la transidentité.
La transidentité fait référence à la situation où l’identité de genre d’une personne ne correspond pas à son sexe (biologique). Lorsqu’une personne éprouve un tel désaccord entre ses attributs physiques et génétiques et son sentiment intime, on dit usuellement qu’elle souffre de dysphorie de genre.
Si, dans notre conception de l’identité sexuée, nous ne distinguions pas le sexe biologique (attributs physiques) et l’identité de genre (ressenti intime), il nous serait difficile, voire impossible, de comprendre une personne qui nous dirait qu’elle a le sentiment dans son for intérieur d’être plus une femme qu’un homme comme le souligne ses caractéristiques physiques, et vice versa. Si pour nous le sexe biologique et le ressenti intérieur sont une seule et même chose, il n’existe pas même de porte possible pour essayer de comprendre un individu qui souffrirait de dysphorie de genre.
Voir aussi l’épisode de Sagesse et Mojito sur le sujet La question simple à laquelle personne n’a de réponse
Cela est aussi vrai pour de multiples autres réalités liées à l’identité sexuée. Si nous ne faisons aucune distinction entre l’expression du genre et l’identité de genre, nous serons perturbés de savoir que Marine qui est biologiquement femme et qui a toujours affiché cette identité a pourtant une dysphorie de genre.
De même, si nous ne faisons aucune distinction entre l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Si pour nous un genre donné induisait nécessairement une attirance au genre opposé, il nous serait impossible de comprendre notre voisin Marc biologiquement homme qui, après être devenu une femme transgenre en changeant de look et en faisant une opération, vient de se marier à une femme. Et l’on pourrait continuer à multiplier les exemples.
Le genderbread person est pour moi plus un outil qui permet de réfléchir, qu’un concept normatif en soi.
Le mot de la fin ?
Écoutons et cherchons à connaître pour mieux comprendre l’autre dans son identité, dans ses conflits identitaires. Oui, l’identité sexuée est malheureusement source de nombreuses souffrances, auxquelles vient s’ajouter bien souvent la douleur d’être incompris.
Où trouver la réponse à nos questions, le soulagement à nos douleurs ? Au cœur de ces troubles, résonne encore une voix :
« Venez à moi vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos » [3].
C’est la voix de Jésus Christ, une voie que nous explorerons dans le prochain article
Notes
[1] La Bible, épître de Jacques, chapitre 1, verset 19. [2] Outil pédagogique créé par l’activiste Sam Killermann, dont les travaux s’inscrivent dans le courant dit « du genre et de la justice sociale », dans la lignée de Feinberg, Wilchins et surtout Kate Bornstein. Ses travaux sont consultables sur : www.itspronouncedmetrosexual.com [3] La Bible, Evangile de Matthieu, chapitre 11, verset 28.Autres articles
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